Diplômée de la Villa Arson et des beaux arts d’Aix en Provence, Charlie Chine s’intéresse aux différents modes d’écriture de la fiction. Au travers d’études, d’activités, de récits ou d’objets, elle décortique l’habitus de l’homme moderne en interrogeant notamment la mémoire, collective et individuelle, la notion de lieu commun ou encore celle du travail ou de la volonté de faire œuvre.


Modèle de nu en 1901, ingénieur dans les année 30, dactylographe en 1960, guide touristique dans les années 80, commissaire d’exposition, squatteuse, secrétaire, musicienne, sociologue, régisseur ou encore présentatrice du journal télévisé, Charlie Chine écrit à coup d’expositions, d’actions et de performances le récit de sa propre histoire.
À partir d’actions élémentaires (visser, peindre, recopier, tailler, récolter…) cadencées par la musique du poste de radio ou par le tic-tac de l’horloge, Charlie Chine pousse la répétition du geste jusqu’à la performance. Absurde, anti-productif, voir complètement inutile, le travail devient ici le spectacle de notre capacité à vouloir nous produire nous-même.
Produits de correction, ou pour rendre le monde meilleur, produits pour prolonger l’écoute, celle de l’autre, celle de soi, ses objets ne font peut-être pas partie du monde moderne, mais appartiennent à un ailleurs nostalgique où ce mélange pop culture et humour noir.
Dépositaire d’une mémoire individuelle et collective, l’individu est pour elle, la variable, l’unique, le comparable. Elle décortique l’habitus de l’homme moderne au travers de ces mêmes conditions d’existences, telles que sa culture, son travail, son éducation, le territoire qu’il occupe ou s’octroie ainsi que sa manière de l’habiter.
Basées sur l’anonymat des participants, elle conduit des études publiques afin d’explorer la mémoire à long terme, entre les traces résiduelles de la consommation active et passive de la culture de masse et ce qu’il reste de Soi (cartographie de récits autobiographiques, archivages de souvenirs d’expériences collectives, étude de la ritournelle chez la génération « y », bilans de compétences).
Que ce soit au travers d’objets néo-paléophoniques, d’études sur le souvenir, en passant par la mise en spectacle des automatismes post-tayloriques, Charlie Chine nous propose une vision archéologique de l’homme moderne. Elle brouille les pistes, se joue des frontières délimitant le statut du créateur à celles du fabriquant. Elle positionne son corps – je suis l’artisan au service de moi-même – au cœur d’une pratique où l’identité même de l’artiste se fond au travers de réseaux multiples.

« Au travers de la performance, que j’exécute moi-même ou encore que je confie à l’autre, je cherche l’identité du geste. Son côté humainement unique, comme son empreinte. Je pousse la répétition jusqu’à la performance physique, la transe. Le travail comme une forme de rituel. L’œuvre dont la forme varie en fonction de qui la réalise, se laisse surprendre par le geste de l’autre, l’artiste devient ici le commanditaire, le chef de chantier. Le temps devient la surface à l’intèrieur duquel le protocole est activé (visser, peindre, tailler, casser…). J’aime à considérer le White cube comme un lieu commun du travail. Celui de l’artiste, celui du galeriste, celui du gardien, de la femme de ménage, du peintre ou du régisseur, celui de l’hôtesse ou du chargé de communication, du commissaire ou de l’électricien. C’est en analysant leurs gestes et fonctions que je développe une pratique qui se tourne vers l’invisible et ténu : faire œuvre, montrer de part la répétition, le geste. J’observe et grossis les traits de pratiques banales, je les répète en boucle, en rythme. »
Biographie(s)
« (…) Un certain nombre de documents ayant appartenu à Charlie Chine sont retrouvés à l’intérieur d’un secrétaire en bois acheté le 27 mai 2010 dans un vide grenier situé entre les rues Lassus, Delouvain et la rue de la Villette dans le XXème arrondissement de Paris.
Ce meuble ancien, dont le vernis apparaissait encore par endroit, était destiné à mon bureau parisien auquel il manquait un support réservé à l’écriture.
De type Empire avec son abattant gainé de feutre vert élimé, il possédait un certain nombre de petits tiroirs tous fermés par de délicieuses serrures en bronze terni. En jouant de la petite clé conservée jusque là, je réussis à ouvrir deux d’entre eux. Les autres restèrent fermés jusqu’à ce que ma curiosité soit plus forte que leurs serrures grippées.
C’était donc bien plus tard que je découvrais ce qu’ils pouvaient bien contenir. Autant de schémas, plans, croquis, idées, correspondances réduites en quelques feuillets essentiels coincés pêle-mêle dans deux carnets de cuir noir. Après de longs moments à songer à ce que je venais de découvrir, je décidais de poursuivre les travaux commencés par cette aïeule disparue, sûrement née aux alentours de 1880, dont on avait jusqu’alors entièrement perdu la trace. (…) »
